dimanche 17 novembre 2013

Born On The Fourth Of July (Oliver Stone, 1989)

Voilà un film (un peu à l'image de son cinéaste) qui me travaille depuis longtemps et dont  j'ai toujours la plus grande peine du monde à savoir ce que j'en pense. Tour à tour fascinant et horripilant, Né un 4 juillet réussit la prouesse d'être à la fois intime et spectaculaire, subtil et pompier, nostalgique et lucide, touchant et cynique.
Dès que le cinéaste de Platoon sort la grande caisse et veut marquer au crayon gras de quel côté se situent les méchants, il lasse vite (seul Abbie Hoffmann et son incroyable verdeur parviennent à sauver de l'amidon  la séquence de répression au campus de Syracuse, la mère de Ron en épouvantail maccarthyste fait certes froid dans le dos mais elle demeure une caricature). Globalement, la dernière partie du film, finalisant la prise de conscience de Ron Kovic déçoit (comme si Stone avait eu peur d'être avalé par son film et qu'il avait donné des grands coups de ciseaux dans le montage pour ne pas dépasser la durée fatidique des 3 heures), trop schématique avec ses grandes tirades anti-Nixon. La première partie, superbement filmée (ah, les pollens en suspension lorsqu'on découvre le lycée de Massapequa) n'est guère plus satisfaisante. Sa vision de l'Amérique d'Eisenhower et de Kennedy est tellement idéalisée qu'elle parait factice accumulant les clichés visuels (la prom night) et auditifs (l'habituelle enfilade de tubes vintage). Mais heureusement, la demie-heure au Vietnam, percutante, idéalement montée et surtout le retour de Ron à Massapequa (autour de l'heure de film) découvrant lentement combien l'Etat américain l'a abusé ainsi que des dizaines de milliers d'autres G.I et comment le regard de ses compatriotes sur lui a changé montrent qu'Oliver Stone peut être un cinéaste sensible et  même subtil(oui, vous avez bien lu).

Lorsque Ron retrouve sa chambre (voir photogrammes ci-dessus), rien n'a changé ou presque. Son père a pris bien soin de disposer près de son bureau tous les objets susceptibles de lui rappeler son enfance heureuse (la bannière des Yankees, un buste de cow boy) comme pour se faire pardonner de l'avoir faire grandir trop vite en l'envoyant au casse-pipe (même si Ron était volontaire). Et dans un très beau plan fixe (le surcadrage accentuant le peu de marge de manoeuvre dont a disposé Ron jusque là), Eli Kovic (le père de Ron, admirable Raymond J. Barry), d'abord dans l'embrasure de la porte ne sachant que faire de ses membres, vient donner l'accolade à son fils. Et, dans une terrible inversion des rôles, c'est le fils handicapé qui semble donner l'absolution à son père submergé par l'émotion. Lorsqu' Eli se relève, laissant Ron seul dans sa chambre, on découvre punaisée au mur une photo de Mickey Mantle, ce home runner mythique que Ronnie ne sera jamais. Dans ce beau moment d'intimité familiale sans musique et quasiment sans dialogues, Oliver Stone dit plus de choses sur l'Amérique de la fin des sixties, sur cette mauvaise conscience de la génération qui a laissé faire le Viet Nam que dans tous les slogans et les pancartes de la fin du film.