samedi 30 juillet 2011

Twice in a lifetime (Bud Yorkin, 1985)

Ally Sheedy, encore et toujours, ici 8 mois simplement après le tournage du Breakfast club qui avait fait d'elle une demie-star .Dans Twice in a lifetime, son rôle est modeste et loin d'être le plus fouillé du film. Elle joue la fille cadette (Helen) d'un métallo (Harry Mackenzie interprété par Gene Hackman), décidé à ne pas passer le dernier tiers de sa vie dans la résignation conjugale et l'hypocrisie. Dans la séquence qui nous occupe, à la moitié du film, Harry, s'apprête à quitter le domicile familial pour sa nouvelle vie (il troque sa résidence suburbaine pour un petit appartement dans le centre de Seattle) et fait sa valise pour l'inédit. L'ambiance est pesante et un panoramique balaie les regards de chacun des enfants et des gendres rassemblés dans le salon. Tout le monde à la gorge trop serrée pour parler. Helen (qui comprend à défaut d'approuver le choix de son père) se lève, s'approche d'Harry, ferme les yeux en signe de douleur, de paix mais aussi de profonde affection filiale.



A moins d'être animé du plus parfait cynisme, je vous mets au défi de n'être pas secoué de sanglots spasmodiques sur votre canapé. Même succinctement, Ally confirmait ici cet incroyable potentiel auquel Hollywood hélas demeura presque totalement aveugle.
Pour plus de détails sur le film, lire ici.

mercredi 27 juillet 2011

The brood (David Cronenberg, 1979)


* attention spoilers *
Deux ans se sont écoulés depuis Rabid, deux ans qui voient Cronenberg passer de franc-tireur expérimental à cinéaste majeur. Musique (Howard Shore pour son premier film), cadrages, caractérisation des personnages, les progrès sont foudroyants. Dans sa critique (Positif n°227), François Ramasse parle d'un "scénario lacunaire" mais c'est justement une des raisons qui font que j'apprécie Chromosome 3. Cronenberg, en dépit d'une courte explication du Docteur Raglan (très convaincant Oliver Reed), néglige de nous donner le mode d'emploi du film, refusant de prendre le spectateur pour un attardé.

J'ai eu beaucoup de mal à sélectionner une séquence tant les images fortes abondent: Candy en plan large marchant dans la neige accompagnée de deux enfants "psychosplasmics", Nola dévoilant à Frank son bébé né par parthénogenèse , la même déchirant la poche du foetus mais le moment le plus terrifiant, c'est cette séquence alternée où Candy tente d'échapper à la portée (traduction littérale de "brood") meutrière tandis que Frank étrangle sa femme devenue une incontrôlable procréatrice de monstres. La violence qui émane de cette succession de plans aboutit à une catharsis particulièrement choquante : le corps sans vie de Nola répondant aux enfants anéantis sur le plancher du grenier. Cette fin flirte avec le règlement de comptes autobiographique tant le réalisateur de Shivers à cette période-là de sa vie cherchait coûte que coûte à récupérer la garde de sa fille que lui contestait son ex-femme. Difficile en effet de ne pas voir dans le plan ci-dessus un écho des préoccupations de Cronenberg. Candy, terrorisée, agrippée par ces bras intrusifs et menaçants, c'est très certainement la métaphore de sa propre fille confrontée à la communauté sectaire (ou du moins ce qu'il pensait tel à l'époque) qui gravitait autour de Margaret Hindson. Cela dit, nul n'est besoin de connaître ces détails autobiographiques pour éprouver le terrible malaise engendré par ces scènes. Comme le maître canadien l'avouait à Serge Grûnberg, "The brood, C'est l'anti Kramer vs Kramer" . L'un se veut réaliste alors que tout y sonne toc et compassé. L'autre refuse l'apitoiement et le naturalisme et tout y est moderne et juste

samedi 23 juillet 2011

Rabid (David Cronenberg, 1977)

Amusant clin d'oeil de David Cronenberg au mitan de son second film commercial, Rabid. Rose se promène dans les rues de Montréal lorsqu' apparaît sur sa droite une affiche de Carrie de Brian de Palma avec Sissy Spacek. Au départ, la texane rouquine avait été envisagée pour incarner l'insatiable suceuse de sang mais la production n'était pas chaude (son accent plus encore que ses tâches de rousseur joua contre elle). Ivan Reitman suggéra alors Marylin Chambers qui, à l'époque, n'avait pas encore tourné de films non pornographiques. Cronenberg, qui n'avait pas vu Behind the green door, était ravi à l'idée d'utiliser une actrice à la fois parfaite "girl next door" (n'avait-elle pas été l'égérie de Procter&Gamble pour la campagne Ivory snow) et en même temps peut-être pas 99 and 44/100 % pure comme le suggérait la publicité pour le fameux savon. Chambers s'avéra être un excellent choix même si Spacek devait entretemps devenir la reine du film d'horreur grâce à sa performance de Queen prom malgré elle. Dans un film terriblement froid (la façade en briques grisâtres de la clinique de chirurgie esthétique, les arbres dépouillés de feuille, la musique d'Ivan Reitman) où chacun des personnages semble désincarné ( Hart, le petit ami de Rose ne s'exprime que par onomatopées, le chirurgien insiste pour ne parler que de thérapie), elle apporte à son rôle une vitalité morbide, si tant est qu'on puisse utiliser cet oxymore, absolument épatante. Le martyre que Cronenberg fait subir à sa chair (d'une toute autre nature évidemment que celui subi dans BTGD) fait naître des visions qui pour être terrifiantes n'en sont pas moins parfaitement fascinantes. Difficile par exemple de ne pas succomber au trouble engendré par la vision d'un énorme dard phallique surgissant dessous l'aisselle gauche de Marylin Chambers.
Le plan ci-dessus va d'ailleurs sans doute au delà du clin d'oeil pour cinéphiles, associant au corps en mutation de Rose sans cesse agité de spasmes sanguinaires le corps déréglé de Carrie saisi frénétiquement de pulsions meurtrières.

vendredi 15 juillet 2011

Misfits (saison 1, épisode 2)


*attention spoilers*
Il y a dans le deuxième épisode de Misfits une séquence étonnante qui, à elle seule, suffit à justifier l'engouement pour cette série britannique originale. Nathan, le héros de la série, est un petit délinquant effectuant des travaux d'intérêt général en compagnie de quelques zozos de son acabit. La foudre les surprend et confère à chacun d'eux un super pouvoir (ce que chacun découvre dans l'épisode initial à l'exception de Nathan). Dans le second épisode, Nathan et ses "collègues" sont chargés d'égayer le thé dansant de pensionnaires d'une maison de retraite. Nathan fricote avec l'une des employées de cet établissement et se retrouve, après quelques péripéties dans son lit. Jusque-là, rien que de très banal. Mais cette jeune employée, au demeurant fort jolie, a elle aussi connu les affres de la foudre et s'avère en fait une sympathique octogénaire à qui l'orage a permis de renouer par intermittences avec ses jeunes années. En plein transport, Nathan découvre qu'il est chevauché non par une affriolante blondinette mais une femme d'un âge respectable. Cette image, même si elle apparaît très furtivement, d'une octogénaire se livrant à des ébats est suffisamment exceptionnelle pour attirer toute notre attention. La nudité et la sexualité des vieux est l'un des derniers tabous de notre société et qu'une série, à priori destinée à un public d’adolescents et de jeunes adultes s'y colle (même brièvement) m'a semblé relativement audacieux. De plus, et la photo l'atteste, il ne s'agit pas de plans cachant avec tact les ravages de l'âge (ce n'est ni Charlotte Rampling dans Vers le sud ni Bulle Ogier dans Les petits ruisseaux). Non, les plis, les rides sautent au visage et, Nathan lui-même, face à cette vision pour le moins surprenante, préfère abandonner la partie et aller se cacher dans les toilettes. Me vint alors à l'esprit les mots de Houellebecq s'insurgeant dans La possibilité d'une île contre le cinéma de Larry Clark et sa société de "kids définitifs". "Dans le monde moderne, on pouvait être échangiste, bi, trans, zoophile, SM, mais il était interdit d'être vieux". Ce qu'il y a de beau dans cette scène, c'est la vision d'un désir féminin qui va au delà de la date limite que le cinéma ou la télévision lui assigne d'habitude. Cette femme, en plein syndrome de Jocaste, profite du super pouvoir (et quel super pouvoir !) qui lui a été octroyé pour séduire un "beau gosse" qu'elle imagine plein d'ardeur (elle sera d'ailleurs légèrement déçue sur ce point) et jouir à nouveau. Cette revendication et sa représentation font passer un vrai souffle émancipateur dans le cadre formaté des séries télévisées. Alors, bien sûr, à la fin de l'épisode, la volcanique retraitée aura retrouvé son fauteuil et ses pantoufles et Nathan, rassuré, pourra lui passer une main bienveillante dans les cheveux. Mais avant que tout ne rentre dans l'ordre, un trouble, un frisson sera passé qu'on est pas près d'oublier.